Dans un article daté du 17 mars, Mediapart révèle qu’une femme de 66 ans, qu’ils nomment Barbara, a été sanctionnée par la justice française « d’un divorce pour faute » car elle refusait d’avoir des relations sexuelles avec son mari.
Selon la loi, le divorce pour faute peut-être demandé « si l’époux, ou l’épouse a commis une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations liés au mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune ». Ici, la faute grave résiderait donc dans le refus de Barbara d’avoir des relations sexuelles avec son mari. Une prédisposition plus que rétrograde. L’accusée a donc décidé de contester ce « devoir conjugal » et de saisir la Cour Européenne des droits de l’Homme.
L’affaire débute en 2011 quand Barbara annonce à son mari, magistrat, sa volonté de divorcer, après d’énièmes « menaces de coups ». En 2012, elle commence la procédure de divorce puis, en 2015, finit par assigner son mari en divorce pour faute. Elle l’accuse de l’avoir laissée endosser seule l’éducation de leurs quatre enfants, et d’avoir commis des « violences verbales et physiques » à partir de 2002 à l’encontre d’elle-même et de leur seconde fille, reconnue handicapée en 2016 pour des difficultés psychologiques et physiques.
Comme l’explique Médiapart : « dans une main courante déposée au commissariat de Versailles en 2014, Barbara avait elle-même expliqué avoir « cessé d’avoir des relations sexuelles » avec son époux « lorsqu’il a simulé un étranglement sur [leur fille – ndlr] ». Devant la justice, elle a fait valoir que l’absence de relations sexuelles résultait d’une part de son état de santé dégradé et d’autre part de « la violence » qu’elle imputait à son époux. Elle a aussi argué que l’état de santé de leur fille cadette avait mobilisé toute son énergie.
Le conjoint, accusé de violences mentales et physiques, oppose à la victime son refus de « consommer le mariage depuis 2004 ». Face à ces accusations, et face à la justice, Barbara est obligée de se défendre et, alors que les témoignages de violences physiques et psychologiques infligée par son ex-époux ne suffisent pas à convaincre la justice, elle en vient à devoir se justifier à l’aide de certificats médicaux pour expliquer ce refus de relations sexuelles.
Malgré toutes ses tentatives, la cour d’appel de Versailles finit par donner raison au mari en 2016. Comme le rapporte Mediapart, elle considère que les « éléments médicaux ne peuvent excuser le refus continu opposé par l’épouse à partir de 2004 à des relations intimes avec son mari, et ce pendant une durée aussi longue ». Et que ce refus constitue « une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage, rendant intolérable le maintien de la vie commune ».
L’horreur de la situation dans laquelle est placée Barbara, est en fait loin d’être un cas isolé. En 2018, selon les chiffres officiels, parmi les 95000 victimes de viols et tentatives de viol par an, l’agresseur est le conjoint ou l’ex-conjoint de la victime dans 47% des cas. Une enquête de 2014 de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne ajoute que 34% des femmes handicapées sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles. Concernant leur fille handicapée, l’OMS montre en 2012 que les enfants handicapés ont 3,6x plus de risques d’être victimes de violences physiques.
Comme l’explique très bien Barbara pour Médiapart, une telle décision « s’ancre dans la culture du viol, qui est encore très présente dans les esprits, au point que les juges la reconnaissent comme juste. »
Pour Médiapart , le Collectif féministe contre le viol, qui aide Barbara dans l’affaire explique que « Laisser perdurer le “devoir conjugal”, c’est maintenir un outil d’intimidation pour les agresseurs sexuels violeurs au sein du couple et nier l’existence, dans notre code pénal, du crime aggravé de viol conjugal ».
Si elles ont été soi-disant la grande cause du quinquennat Macron et du Grenelle lancée par Schiappa en 2019, les violences sexistes et sexuelles existent bien encore dans la société. Cette affaire le montre bien, alors qu’une femme se retrouve accusée pour avoir refusé d’avoir des rapports sexuels avec son mari violent. Cette femme, qui semble avoir vécu un véritable calvaire se voit aujourd’hui prise en grippe par la justice. Une fois de plus on voit qu’il est impossible d’espérer obtenir justice seulement via les institutions, qui sont elles-mêmes prises dans le patriarcat. L’existence d’une chose comme le « devoir conjugal » est particulièrement rétrograde, et montre bien la manière dont on traite les femmes.
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