Le président tanzanien est décédé ce mercredi 17 mars, à l’âge de 61 ans, a annoncé la vice-présidente Samia Suluhu Hassan, à la télévision nationale. John Magufuli, président covido-sceptique, n’avait pas été vu en public depuis fin février.
Déni de Covid…
Depuis quelques semaines, des rumeurs circulaient sur les réseaux sociaux, le disant malade ou atteint du Covid-19 et l’opposition demandait des explications aux autorités. Il y a une semaine en effet, le leader de l’opposition en exil en Belgique, Tindu Lissu, avait commencé comme d’autres à se poser des questions en évoquant une probable forme sévère de Covid-19, aggravée par des problèmes de santé.
Mais ces rumeurs avaient été démenties par plusieurs membres du gouvernement. Le ministre des Affaires constitutionnelles avait même menacé de poursuites toute personnes qui relaierait les rumeurs sur la santé du chef de l’État et des arrestations avaient même été opérées ces derniers jours.
La version officielle fait donc état de problèmes cardiaques pour expliquer le décès d’un homme qui a totalement minimisé pendant des mois la pandémie de Covid-19. Il a ignoré jusqu’à ces dernières semaines toutes les mesures sanitaires et affirmé que le virus avait été vaincu dans son pays grâce aux prières, et à l’aide de bains de vapeur et d’herbes médicinales.
« Le bulldozer »
John Magufuli était le cinquième président de la Tanzanie depuis son indépendance en 1961. John Magufuli est élu président pour la première fois en octobre 2015, avec 58% des voix. Il succède alors à Jakaya Kikwete.
Son parti, le Chama cha Mapinduzi (CCM), au pouvoir depuis l’indépendance du pays, l’a choisi pour le représenter parmi plus d’une trentaine de candidats.
Avant d’accéder à la magistrature suprême, John Magufuli, issu d’une famille modeste, et diplômé de chimie, est plusieurs fois ministre, à partir du début des années 2000. Il se voit notamment confier les portefeuilles de l’élevage et de la pêche, du logement ou encore des travaux publics.
Il est surnommé « tinga tinga », « bulldozer » en swahili, en référence aux programmes de construction qu’il met en oeuvre. En tant que chef de l’État, il promet de lutter contre la corruption, de développer le pays et son économie et lance de grands travaux. Il se distingue par une action résolue en faveur des plus pauvres. Cette forme d’empathie, il a voulu la démontrer aussitôt investi, prenant toute une série de mesures drastiques et allant même jusqu’à diviser son propre salaire par quatre, devenant l’un des chefs d’État africains les moins bien payés. C’est dans l’éducation et la lutte contre la pauvreté que seront investies les sommes qui auparavant s’évaporaient dans la fraude fiscale.
Dérives autoritaires
Mais très vite, le personnage révèle une face plus sombre. Celle d’un homme autoritaire qui fait voter une loi réduisant au silence ses opposants sur les réseaux sociaux. Les défenseurs des droits humains dénoncent une dérive autoritaire, soulignent les difficultés rencontrées par les opposants, puis par la presse ainsi que la réduction des libertés individuelles. Il interdit les rassemblements des partis d’opposition pour une durée quatre ans.
John Magufuli est réélu en octobre dernier, lors d’un scrutin contesté, avec plus de 84% des voix.
RFI