La Cédéao suspend le Mali de ses institutions mais pas de sanctions économiques

Une dizaine de chefs d’Etat ouest-africains, réunis lors d’un sommet régional extraordinaire, ont décidé dimanche de suspendre le Mali de leurs institutions communes en réponse au récent double putsch des militaires maliens et appellent à la nomination immédiate d’un Premier ministre issu de la société civile.

Les chefs d’État et de gouvernement de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) réunis lors d’un sommet régional extraordinaire au Ghana, ont décidé, dimanche 30 mai, de suspendre le Mali de leurs institutions communes en réponse à un double coup d’Etat militaire, qu’ils ont condamné tout en se gardant d’autres sanctions.

Les présidents des 15 pays membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) « condamnent fermement le récent coup d’Etat » et, « après de longues discussions (…) décident de suspendre le Mali des institutions de la Cédéao », dit le communiqué final de ce sommet à Accra.

Le bloc a demandé que la junte malienne se tienne à son engagement d’organiser une élection présidentielle en février prochain, après une période de transition de 18 mois et a rappelé l’urgence pour les autorités maliennes de nommer un nouveau Premier ministre civil par intérim.

Une transition limitée à 18 mois

Ils réclament la nomination « immédiate » d’un « nouveau » Premier ministre issu de la société civile. Ils « exigent » la libération « immédiate » des anciens président et Premier ministre de transition, arrêtés lundi et écartés du pouvoir avant que le colonel Assimi Goïta ne soit déclaré président vendredi. Les deux anciens dirigeants sont rentrés chez eux, mais sont assignés à résidence, dit la Cédéao.

Elle réaffirme la nécessité que la transition ouverte après le premier coup d’Etat d’août 2020, et censée ramener les civils au pouvoir, soit limitée à 18 mois. »La suspension de la Cédéao prend effet immédiatement jusqu’à la date limite de fin février 2022, date à laquelle ils sont censés passer le relais à un gouvernement démocratiquement élu », a déclaré Shirley Ayorkor Botchwey, la ministre ghanéenne des Affaires étrangères.

Cependant la Cédéao est restée silencieuse sur la désignation du colonel Goïta comme président. Elle ne réclame pas le rétablissement des ex-président et Premier ministre dans leurs fonctions.

Après le putsch d’août 2020, elle avait exigé et obtenu la nomination d’une président et d’un Premier ministre de transition civils.

Elle « réitère (…) que le chef de la transition, le vice-président et le Premier ministre de transition ne doivent en aucune circonstance être candidat à la future élection présidentielle », dit-elle non sans ambiguïté. Assimi Goïta était vice-président jusqu’à vendredi.

Assimi Goïta s’est rendu samedi à Accra où la Cédéao a dit l’inviter pour des « consultations » mais les journalistes de l’AFP ne l’ont pas vu dimanche dans la salle du sommet.

Instabilité

La Cédéao devait trancher la question épineuse de leur réponse au deuxième putsch des militaires maliens en neuf mois à la tête de ce pays crucial pour la stabilité du Sahel face à la propagation jihadiste.

Lundi, l’ancien commandant de bataillon des forces spéciales a fait arrêter le président Bah Ndaw et le Premier ministre Moctar Ouane, cautions civiles de la transition, qui ont ensuite démissionné, selon la version officielle.

La Cour constitutionnelle a déclaré vendredi le colonel Assimi Goïta président de transition, parachevant le coup de force du 24 mai.

Avec la nomination du colonel Goïta, la Cour constitutionnelle malienne a officialisé un fait accompli auquel ces partenaires avaient essayé de s’opposer après le coup d’Etat d’août 2020.

Assimi Goïta et un groupe de colonels avaient alors renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta mais, sous la pression internationale, avaient accepté la nomination d’un président et d’un Premier ministre civils pour diriger ce pays pris dans une tourmente aux multiples dimensions sécuritaire, économique et politique, depuis le déclenchement de rébellions indépendantistes et jihadistes en 2012 dans le nord.

Depuis, les violences se sont étendues au centre du pays et au Burkina Faso et au Niger voisins. Une attaque imputée à des jihadistes par un responsable sécuritaire dans le sud près des frontières ivoirienne et guinéenne a fait cinq morts dimanche et conforté la crainte d’une contamination de zones relativement épargnées.

Comme les autres partenaires du Mali, la Cédéao a exprimé ses « profondes préoccupations » devant les récents soubresauts politiques dans un tel contexte.

Menace de retrait français 

Après le coup d’Etat de 2020, la Cédéao avait suspendu le Mali de tous ses organes de décision, fermé les frontières de ses Etats membres et stoppé les échanges financiers et commerciaux avec le pays, à l’exception des produits de première nécessité, provoquant une chute de 30% des importations du pays.

Elle avait levé les sanctions quand la junte avait paru se plier à ses exigences.

Une mission de la Cédéao dépêchée au cours de la semaine au Mali avait évoqué l’éventualité de nouvelles sanctions. La France et les Etats-Unis, engagés militairement au Sahel, en ont brandi la menace.

Dans un entretien publié le même jour par le Journal du dimanche, le président Emmanuel Macron menacé d’un retrait des 5 100 soldats français de l’opération Barkhane, déclarant ne pas vouloir rester « aux côtés d’un pays où il n’y a plus de légitimité démocratique ni de transition ».

France24 avec AFP et Reuters