Amnesty International a accusé mercredi les forces de sécurité nigérianes d’avoir tué au moins 115 personnes entre mars et juin cette année dans la répression d’un mouvement sécessionniste dans le sud-est du pays.
Des violences ont éclaté dans les États du sud-est, causant la mort d’au moins 127 policiers ou membres des services de sécurité, selon la police, tandis que les médias locaux ont fait état d’une vingtaine de postes de police et de bureaux électoraux attaqués.
Le Mouvement indépendantiste pour les peuples indigènes du Biafra (Ipob), qui prône la sécession du sud-est du Nigeria, peuplé en majorité de Igbo, et son aile paramilitaire, l’ESN (Réseau sécuritaire de l’Est), ont été accusés d’avoir fomenté ces violences, ce que l’IPOB a nié.
Selon Amnesty International, les forces de sécurité, notamment l’armée, la police et l’agence de renseignement du Département des services de l’État (DSS), ont réprimé ces attaques en tuant des dizaines d’hommes armés, ainsi que des civils.
« Les éléments recueillis par Amnesty International dressent un tableau accablant de l’usage impitoyable de la force par les forces de sécurité nigérianes dans les États d’Imo, d’Anambra et d’Abia », a déclaré Osai Ojigho, directeur de l’ONG pour le Nigeria.
L’organisation de défense des droits de l’homme a « recensé au moins 115 personnes tuées par les forces de sécurité entre mars et juin 2021 ».
Sollicitée, la police nigériane n’a pas réagi immédiatement à ces accusations.
« Je n’ai pas vu le rapport (d’Amnesty, ndlr). Je ne peux donc pas répondre », a déclaré à l’AFP Frank Mba, porte-parole de la police nationale.
– « Embarqués au hasard » –
Des proches des victimes ont déclaré à l’ONG qu’elles ne faisaient pas partie des groupes militants qui ont attaqué les forces de sécurité.
« De nombreuses victimes ont été emmenées dans des hôpitaux publics des États d’Imo et d’Abia », a-t-elle précisé.
Amnesty a également recueilli des informations sur des cas d’arrestations arbitraires, de mauvais traitements et de torture dans cette région.
En mai 2021, le gouvernement de l’État d’Imo a notamment annoncé l’arrestation d’au moins 400 personnes qui auraient un lien avec les violences.
« L’enquête d’Amnesty International indique que la plupart d’entre elles ont été embarquées au hasard à leur domicile ou dans la rue et n’avaient rien à voir avec l’ESN », estime l’ONG.
Les groupes de défense des droits humains locaux et internationaux ont par le passé régulièrement accusé les forces de sécurité nigérianes de violations des droits, mais celles-ci ont toujours nié ces accusations.
Le Nigeria a récemment intensifié la répression contre les indépendantistes, notamment en poursuivant en justice leurs dirigeants.
Le mois dernier, le chef et fondateur de l’Ipob, Nnamdi Kanu, a été arrêté au Kenya après quatre ans de cavale selon ses avocats, et ramené fin juin au Nigeria, pour être jugé, accusé notamment de « terrorisme » et de « crime de trahison ».
L’Ipob rêve de voir renaître la défunte République du Biafra, dont la proclamation d’indépendance avait entraîné une guerre civile de 30 mois entre 1967 et 1970.
Le conflit a fait plus d’un million de morts, principalement des Igbo, surtout de famine et de maladie.
Un autre leader séparatiste, Sunday Adeyemo, également connu sous le nom de Sunday Igboho, a été arrêté en juillet au Bénin voisin alors qu’il tentait de prendre un vol pour l’Allemagne. Il est actuellement détenu au Bénin dans l’attente de son extradition.
Il réclame lui aussi l’indépendance du sud-ouest du Nigeria pour le peuple Yorouba suite à des violences attribuées à des éleveurs peuls dans sa région.
Le président Muhammadu Buhari, un Peul, est accusé par ses détracteurs de favoriser ses proches du nord, dont beaucoup ont été nommés à des postes clés de responsabilité au Nigeria.
Avec une population de plus de 210 millions d’habitants, le Nigeria compte plus de 250 groupes ethniques et est régulièrement secoué par des tensions ethniques et communautaires dans les différentes régions.
Les trois groupes les plus importants sont les Haoussa-Peuls dans le nord, les Igbo dans le sud-est et les Yorouba dans le sud-ouest.
AFP