Le Lieutenant-Colonel, Mamadi Doumbouya a-t-il perdu la raison ? On pourrait le penser depuis qu’il a arbitrairement donné à l’aéroport de Conakry le nom du sanguinaire Sékou Touré. Apparemment, cette ignoble décision, il l’a prise comme un grand, tout seul dans son bureau, sans signe avant-coureur, sans même prévenir son premier ministre (décidément, la désinvolture de nos chefs nègres n’aura jamais de limite !).
On pensait naïvement qu’il se consacrait corps et âme à nous concocter une bonne transition, à nous sortir de ce terrible passage à gué, de cette période de confusion et de doute propice à tous les dangers. Mais non, il complotait en douce pour replonger le pays dans les années les plus noires de son histoire, celle des pendaisons publiques, des aveux radiophoniques obtenus sous la torture, des haines ethniques et des pénuries de toutes sortes. Je me doutais bien que cet homme avait des idées derrière la tête, qu’il tenait un agenda caché. On comprend maintenant pourquoi il refuse de fixer un délai pour la Transition, pourquoi il a peur de publier la liste de son CNRD. Je m’étais contenté de rire quand début Novembre, une amie journaliste française très expérimentée en matière de mœurs politiques africaines m’avait dit : « Vous les Guinéens, vous devriez vous méfier. C’est la fraction extrémiste du PDG qui a organisé ce coup d’Etat. Son objectif ultime ? Hisser par tous les moyens le fils de Sékou Touré au sommet de l’Etat ». Pour moi comme pour la majorité de mes compatriotes, le Lieutenant-Colonel Doumbouya faisait figure de sauveur. Après avoir héroïquement mis à terre le régime démoniaque d’Alpha Condé, il allait nous ouvrir une perspective, vers l’unité nationale et la paix, la concorde et la fraternité. Bref, il allait définitivement nous guérir des démons du passé.
L’illusion n’aura duré que 100 jours ! Le masque est tombé. Notre homme a perdu son visage d’agneau, la voilà en plein-jour, sa grande gueule de loup ! Mais à quelque chose, malheur est bon : le pays sait maintenant à quoi s’en tenir. Celui que l’on prenait pour un nouveau Rawlings, celui que l’on voyait comme un Sankara bis n’est qu’un petit putschiste du dimanche qui ne mérite pas de figurer dans les annales.
Mon dieu, quelle triste manière de rater son destin ! L’homme du 5 Septembre a pris le même chemin que celui du 28 Septembre : directement du sommet de la gloire au cul de basse-fosse ! Comment se peut-on se réclamer démocrate et glorifier le pire tyran de notre histoire ? Comment peut-on prôner l’unité nationale sous l’égide du plus grand tribaliste que la Guinée ait connu ?
Entendons-nous, Doumbouya, je ne peux vous interdire d’aimer Sékou Touré comme je ne peux empêcher un nazi de saluer Hitler, un Khmer Rouge de chanter Pol-Pot ou un chaman d’invoquer le diable. Mais rien ne vous permet de baptiser ou de débaptiser un édifice ou un lieu public de ce pays. Vous n’en avez pas le droit. Vous n’êtes pas le président de la République. Vous êtes le président d’une Transition dont la mission est d’expédier les affaires courantes et d’organiser le plus vite possible des élections crédibles. Vous n’avez le droit ni de déclarer la guerre, ni de baptiser des monuments, ni de signer des traités miniers ni de nouer ou de rompre des relations diplomatiques.
Si la Guinée était un pays normal, on aurait déjà annulé votre décret illégal et déféré votre personne devant les tribunaux pour forfaiture.
Tierno Monénembo