IBK-Alpha Condé : parcours et destins instructifs (Par Abdoulaye Condé)

L’ancien Président Malien, Ibrahim Boubacar Keïta ( IBK), est décédé ce dimanche 16 Janvier 2022 à Bamako. Cette triste fin est également un vrai choc pour le Président Alpha Condé et laisse un grand vide dans la solitude que vit l’ancien Président Guinéen.  Né le 29 janvier 1945 à Koutiala a été président de la République du Mali du 4 septembre 2013 au 18 août 2020.

Avant la magistrature suprême, il a occupé de nombreuses hautes fonctions politiques et administratives notamment de Premier ministre de 1994 à 2000 et de président de l’Assemblée nationale de 2002 à 2007.

Élu à la présidence de la République du pays en 2013, il est réélu en 2018, et a été victime d’un coup d’État en août 2020, dans un contexte de mouvements populaires de contestation de sa Gouvernance marquée par la trop forte implication de son fils, Karim  Keïta dans les affaires d’état. Face  à cette situation, le descendant de Soundjata Keïta, celui que les Maliens qualifient « d’homme fier » signe sa lettre de démission le 18 août 2020 depuis le camp de Kati où il a été déporté par une garnison de militaires, avec son dernier Premier ministre, Boubou Cissé, et plusieurs hauts responsables politiques aux ordres de l’ancien Commandant des Forces Spéciales du Mali, le Colonel Assimi Goïta, le Chef de la junte devenu Président de la Transition.  Les Guinéens se souviennent certainement d’un acte de fermeté de l’homme à poigne qu’était le Président IBK.

En 1996, alors qu’il était Premier Ministre, il s’oppose catégoriquement à une fouille que le chef d’escale d’Air France d’alors voulait appliquer au Premier  ministre Guinéen de l’époque, Sidya Touré qui se rendait à Paris à l’issue dune visite de travail à Bamako. Celui dont le grand-père est mort au front lors de bataille de Verdun en défendant la cause de la France s’oppose vigoureusement à cet ordre jugé dégradant pour un Chef de Gouvernement, exige de faire monter Sidya Touré avec tous les honneurs qu’il mérite à bord, expulse le chef d’escale en question dans le même vol, annule sa propre réservation à Air France et s’embarque dans SWISSAIR le lendemain pour une Mission en France. Mais, c’est bien avec Alpha Condé que le défunt ancien Président Malien était proche. Sa Gouvernance et la forme de sa chute ressemblent, toutes proportions gardées, à celles de l’ancien Président Guinéen, Alpha Condé qui était justement son « Grand  » dont le fils, Alpha Mohamed Condé était aussi trop présent dans les affaires de l’état notamment minières, lui aussi déchu par le Commandant des Forces Spéciales de Guinée, le 05 septembre 2021, le Colonel Mamadi Doumbouya, également Président de la Transition depuis.

Comme son frère Guinéen à 15 ans, Ibrahima Boubacar Keïta part, lui à l’âge de 13, en France faire ses études secondaires au lycée Janson-de-Sailly à Paris avant la faculté des lettres de l’université de Dakar puis à l’université Panthéon-Sorbonne et à l’Institut d’histoire des relations internationales contemporaines (IHRIC), rattaché auprès de la même université. Il est titulaire d’une maîtrise d’histoire et d’un diplôme d’études approfondies en politique et relations internationales.

Sa fréquentation des milieux politiques de gauche radicale et de la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France, le lie d’amitié avec le Guinéen Alpha Condé avec lequel il crée une proximité familiale et politique solides. En 1993, en pleine campagne présidentielle en Guinée, Alpha Condé traverse les frontières et se fait recevoir en grande pompe à Bamako par Ibrahima Boubacar Keita à l’époque Premier Ministre du Président Alpha Konare, lui proche du Président Lansana Conté. Les 2 anciens Présidents sont ou étaient si proches que l’ancien Président de l’ADEMA  – PASJ, poussé à la porte de ce parti qui lui a refusé son investiture à la veille de la présidentielle Malienne de 2002 au terme du second et dernier mandat du Président Alpha Oumar Konaré, s’inspire de son mentor de la FEANF pour fonder son propre parti denommé le RPM en référence au RPG d’Alpha Condé.

En 2010, IBK fait le déplacement de Conakry et participe activement à la campagne de son frère, Alpha Condé, candidat du RPG. Pour la victoire de ce dernier et face au directeur adjoint de campagne, Naby Youssouf Kiridi Bangoura, IBK pousse l’émotion jusqu’à verser des larmes. Après la victoire du candidat du RPG, le nouveau Président Guinéen s’emploie également dans la campagne du candidat du RPM en 2013.  Réélus ( IBK en 2018 pour un second, Alpha Condé en 2020 pour un 3ème), lors des scrutins présidentiels fortement contestés, les deux anciens Présidents ont aussi organisé, en pleine période de la pandémie de Covid-19 des élections explosives ( législatives pour IBK; référendum, législatives et présidentielles pour Alpha Condé ) qui ont accentué les tensions sociopolitiques dans les 2 pays et exposé les 2 régimes à des mouvements et manifestations qui ont fait de nombreuses victimes de part et d’autre notamment en Guinée . Pendant les mouvements de contestation avant la chute, Alpha Condé multiplie les efforts pour sauver en vain le régime de son frère IBK sans imaginer, un seul instant, qu’il allait subir un an plus tard le même sort fatal politique.  Aujourd’hui, écartés du pouvoir et reclus à eux-mêmes, les 2 anciens Hommes forts Guinéen et Malien sont si affaiblis qu’ils assistent impuissants à  la définition de leur destin par 2 jeunes Colonels, anciens légionnaires qu’ils ont propulsé à la tête des Forces Spéciales finalement fatales pour leurs régimes. Il y a un peu plus de 10 ans, IBK et Alpha Condé enthousiasmaient les Guinéens et Maliens, aujourd’hui, leur triste fin politique est plutôt pathétique.  Une autre leçon de l’histoire digne de méditation

VEUILLE ALLAH, NOTRE CRÉATEUR, accueillir IBK dans son éternel Paradis. Amen

Abdoulaye Condé

Alpha Condé-IBK