Opinion/ Malheur à ceux qui bâillonnent le Peuple (Fabien Bangoura)

Dans la plupart des régimes politiques africains post indépendance, les dirigeants politiques, avides de pouvoir, installés durant des décennies au sommet de l’État, vont alors tenter d’assurer leur longévité au pouvoir et leur survie politique par l’usage de la force et grâce au soutien des forces armées et de sécurité.

 

Les forces de sécurité se transforment alors en machines de répression politique et sociale à l’encontre des militants de l’opposition (ou supposés comme tels) et de manifestants contre l’oligarchie au pouvoir. La distorsion du rôle de l’armée fait donc qu’en Afrique, l’armée est en général au service du conservatisme de l’ordre politique. Dans ce sens, l’armée est souvent utilisée pour défendre l’ordre politique ancien en réprimant les populations au cours des révoltes populaires. C’est le cas des récents massacres des manifestants à Conakry, commis principalement par les éléments de l’armée dite républicaine.

 

En Guinée, le mot « militaire » sonne très souvent faux aux oreilles des Guinéens parce qu’historiquement, la force militaire n’a pas contribué à bâtir l’état guinéen, à donner forme à la nation, et n’a jamais montré son utilité comme instrument d’appui au respect de la vie humaine, de la démocratie et de la justice sociale.

 

Elle a servi à écraser le peuple et à accompagner les dictatures et l’imposture de notre pays. L’évocation de ce mot « militaire » est devenue synonyme de sang et de barbarie en Guinée. Il n’attise que la peur et l’insécurité au lieu de susciter le sentiment de sécurité et de sérénité. Cependant, la puissance d’un pays réside malgré tout dans sa force militaire parce qu’elle est avant tout la garantie de sa paix. Or, la paix d’une nation n’est palpable que par la volonté et la prise de conscience d’un peuple à vouloir vivre ensemble comme un corps.

 

En ce sens, l’armée ne peut pas pour le compte d’un homme ou d’une catégorie de la classe politique utiliser sa force au nom de l’équilibre social en devenant le bras répressif d’un pouvoir oppressif contre les populations dont elle est censée protéger et dont elle est chargée assurer la sécurité. C’est une armée dont l’action et l’engagement contribuent à l’éclosion et à la consolidation d’un véritable Etat de droit qui garantit la sécurité et les pratiques démocratiques pour le peuple Guinéen.

 

Malheureusement, en Guinée, c’est un consensus : l’armée est malade. Composite, indisciplinée, démoralisée et rongée par l’ethnicisation, sa réforme, en cours, est plus que jamais nécessaire.

« Malheur à ceux qui bâillonnent le peuple »

Fabien BANGOURA

Écrivain révolutionnaire