Reviendra, reviendra pas ? Est-il là-bas réellement pour un bilan de santé ou a-t-il déjà mis la clé sous le paillasson ? Les questions sur le séjour « prolongé » du Premier ministre à l’étranger ne manquent pas.
N’étant pas dans le secret des dieux, et n’arrivant pas à tirer les vers du nez de l’intéressé, tandis que les murs étanches du palais Mohammed V ne laissent filtrer la moindre indiscrétion, l’on ne peut que donner sa langue au chat.
En attendant de savoir de quoi il retourne, on assiste à un jeu de massacre ciblant l’ancien haut fonctionnaire onusien.
Ainsi, entre autres reproches, le PM manquerait de « poigne » (pour quoi faire, comparativement à qui ?), il n’aurait pas « d’assise populaire» (son poste n’est pas pourtant électif et il n’a aucune ambition politique), il ne serait pas membre d’un parti politique (alors que l’option jusque-là privilégiée par la junte, c’est justement un gouvernement civil sans accointances politiques). La non ouverture d’un cadre de dialogue ? Ce serait lui aussi le coupable tout désigné , vu qu’il serait « le garant du dialogue social et politique »(une autre fable, puisque cela ne figure nulle part dans la charte de la transition, contrairement aux constitutions de 2010 et 2020).
Ses détracteurs font feu de tout bois, en feignant d’ignorer les limites de la fonction dans un régime (hyper) présidentiel, tel qu’instauré dans le pays depuis toujours. A fortiori dans un contexte de transition, comme celui que vit le pays depuis le coup d’Etat militaire de septembre 2021.
La liste est loin d’être exhaustive, mais il ne serait pourtant pas superflu de revenir sur quelques prouesses dignes d’éloges réalisées par le chef du gouvernement et son équipe.
Après la prise du pouvoir par le CNRD (Comité national du rassemblement pour le développement), de nombreux observateurs gageaient que le nouveau régime allait être privé de financements de la part des partenaires bi et multilatéraux.
Mais seulement deux mois après sa nomination, l’ancien haut fonctionnaire onusien a réussi à ramener les bailleurs de fonds.
La normalisation des relations avec la Banque mondiale a permis à l’économie d’envisager l’absorption de 700 millions de dollars pour financer des projets de développement. L’autre institution de Bretton Wodds, le FMI, a également alloué à la Guinée des Droits de tirages spéciaux (DTS) pour un montant de 284 millions de dollars. Dont 150 millions dédiés à financer des projets d’infrastructures sur la base de deux critères : l’impact et la réalisation immédiate. Il faut rappeler que le montant total des financements ainsi disponibles en faveur de la Guinée atteindront les 2 milliards USD.
Dans le sillage du CNRD et de son président, le Premier ministre est arrivé à la conclusion qu’à coté de la mission principale qui est le retour à l’ordre constitutionnel, il y a du travail à faire en urgence.
Il s’est d’abord agi de faire revivre l’Etat qui n’existait pratiquement plus. Aussi, remettre l’administration publique dans les normes, améliorer la gestion de la chose publique et stabiliser l’économie figurèrent-elles parmi les actions prioritaires. Ce qui eut pour effet, entre autres, de relever le niveau des réserves de change de la banque centrale de la République de Guinée (BCRG) à un palier jamais atteint ces dernières décennies ; de réduire l’endettement du Trésor public auprès de la BCRG. Toute chose qui explique la stabilisation de l’économie, voire l’appréciation du franc guinéen par rapport aux devises étrangères.
Toujours dans le souci d’améliorer l’état des lieux en prélude au retour à l’ordre constitutionnel, le Premier ministre a ciblé les infrastructures, notamment routières. Dès après sa prise de fonction, et avant même la nomination du ministre chargé de ce secteur, il a réuni les sociétés concernées, notamment chinoises, pour relancer tous les travaux qui étaient à l’arrêt. Et depuis, en tant que chef du gouvernement, il suit de près l’évolution des travaux.
On ne saurait occulter le secteur de la santé, où il a décroché un financement pour la construction de quatre hôpitaux régionaux (Kindia, Labé, Kankan et N’Zérékoré). Sans parler de son engagement pour l’instauration d’un vrai dialogue inclusif avec les forces vives pour baliser la transition. Un engagement, qui risque, hélas, d’être contrarié du fait des agissements de certains acteurs réticents.
La question à mille balles ? En ne se limitant qu’à ça et à cette dernière décennie, à la lumière des faits et des contextes, qui dit mieux, qui a fait plus ? En toute objectivité.
Maintenant, quant à savoir s’il est bien ou mal qu’il parte pour revenir ou y rester, difficile d’y répondre. Même en toute subjectivité.
Bakary Sacko