Mort d’un journaliste camerounais dans des circonstances troubles

Un journaliste porté disparu dans des circonstances floues depuis plusieurs jours au Cameroun a été retrouvé mort dimanche, ont annoncé son média et sa famille, alors que l’opposition et des organisations de défense de la presse dénoncent un « assassinat ».

Martinez Zogo, 51 ans, était le directeur général de la radio privée Amplitude FM, basée à Yaoundé, et l’animateur vedette d’une émission quotidienne, Embouteillage, diffusée du lundi au vendredi et très écoutée dans la capitale camerounaise. Il avait disparu mardi dans des circonstances troubles.

Son corps a été découvert tôt dimanche matin à 15 kilomètres au nord de Yaoundé, a affirmé à l’AFP Charly Tchouemou, rédacteur en chef de la radio Amplitude FM. Ce dernier a assuré avoir reconnu sa dépouille, ajoutant que son cadavre était nu et entré en état de décomposition. Le décès a également été confirmé à l’AFP par la compagne de M. Zogo, et une source policière sous couvert de l’anonymat. Sollicitées, les autorités n’avaient pas donné suite dans l’immédiat.

A l’antenne, ce journaliste engagé abordait régulièrement des affaires de corruption, n’hésitant pas à mettre en cause nommément des personnalités importantes. Il avait notamment été détenu préventivement deux mois en 2020 dans une affaire où il était accusé de diffamation. Le Comité de protection des journalistes (CPJ) avait alors réclamé sa libération et exhorté le gouvernement à dépénaliser cette infraction.

Le Syndicat national des journalistes du Cameroun a dit dans un communiqué sa « consternation », dénonçant un « assassinat odieux » et appelant les travailleurs des médias à se vêtir de noir le 25 janvier pour marquer leur deuil.

L’International Press Institute, organisation de défense de la liberté de la presse basée à Vienne, a exhorté les autorités camerounaises à « enquêter rapidement sur le meurtre horrible du journaliste Martinez Zogo et veiller à ce que les coupables soient traduits en justice ».

L’opposition politique s’est également indignée, à l’image du député de l’opposition du Social Democratic Front (SDF), Jean-Michel Nintcheu, qui a dénoncé dans un communiqué un « crime » qui « ne saurait rester impuni ».

« A qui le tour? »

Sa disparition avait été confirmée par le gouvernement dans un communiqué samedi. Une enquête avait été ouverte quatre jours plus tôt pour faire la lumière sur les circonstances de sa disparition, selon une source policière ayant requis l’anonymat.

L’ONG Reporters sans frontières (RSF) affirmait vendredi que M. Zogo avait été « enlevé » le 17 janvier aux alentours de 20H00 devant un commissariat de la périphérie de Yaoundé. Il a bien été vu pour la dernière fois devant un poste de gendarmerie, avait confirmé la source policière précitée, qui ajoutait ne « pas disposer d’indices pour affirmer qu’il s’agit d’un enlèvement ».

Sa dépouille a été acheminée dans la matinée à la morgue de l’hôpital central de Yaoundé, selon M. Tchouemou. Une foule importante y était réunie ainsi que de nombreux éléments des forces de l’ordre, a constaté un journaliste de l’AFP. Une autopsie devait être réalisée sur place, a indiqué à l’AFP une membre de la famille de la victime sous couvert de l’anonymat.

« Il y a de nombreuses zones d’ombres concernant les circonstances de son enlèvement brutal. Les autorités doivent lancer une enquête rigoureuse, approfondie et indépendante pour établir toute la chaîne de responsabilité et les circonstances qui ont conduit à ce triste événement », a déclaré à l’AFP Sadibou Marong, responsable du bureau Afrique subsaharienne pour RSF.

Dimanche, plusieurs chaînes de télévision camerounaises ont dédié leurs programmes à cet événement. Interrogée sur la chaîne Info TV, la célèbre romancière Calixthe Beyala s’est dite « abattue, attristée. Je savais qu’il était mort dès qu’on a annoncé qu’il était enlevé. On peut se poser la question : à qui le tour ? Chacun de nous peut se retrouver dans cette situation pour quelque chose qu’il aurait peut-être dit ».

AFP