La Guinée va-t-elle connaître un report de la présidentielle, comme son voisin, le Mali ? Non, rétorque Ousmane Gaoual Diallo, le ministre porte-parole du gouvernement guinéen. Selon lui, la transition dirigée par le colonel Mamadi Doumbouya s’achèvera, comme prévu, à la fin de l’année prochaine. De passage à Paris, Ousmane Gaoual Diallo, qui est aussi ministre guinéen des Postes, des Télécommunications et de l’Économie numérique, s’exprime également sur l’avenir du colonel Doumbouya et sur les relations entre Conakry et Paris. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Il y a quelques jours, à la tribune de l’ONU à New York, le Président de la transition, le colonel Mamadi Doumbouya, a dénoncé la démocratie à l’occidentale comme un modèle qui ne marche pas en Afrique. Quel est, alors, le modèle alternatif ?
Ousmane Gaoual Diallo : Effectivement, pour le bilan de cette démocratisation, acté depuis la conférence de La Baule de 1990, il est du devoir aujourd’hui des Africains de s’interroger sur ce que ça a rapporté en termes de croissance économique, en termes de stabilité des institutions. Le bilan est très maigre, quasiment nul. Et puis, parallèlement, on regarde ce qui se passe en Extrême-Orient, qui était quasiment dans la même situation, et puis dans l’Asie du Sud-Est, où il y a beaucoup plus de progrès. Les Africains s’interrogent sur cela.
Dans son discours à l’ONU, le Président de la transition n’a rien dit sur la fin de cette transition et sur le retour des civils au pouvoir. Est-ce que ce n’est pas mauvais signe ?
Cela a été déjà dit et répété : nous avons un calendrier de cette transition qui est acté avec l’organisation sous-régionale, la Cédéao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, NDLR], qui se déroule très bien, et les observateurs s’accordent à dire que la transition est dans le rythme de respecter l’agenda qui a été acté par l’organisation sous-régionale.
Justement, cet accord avec la Cédéao, c’était il y a un an. Il prévoyait que la transition se termine à la fin de 2024. Où est-ce qu’on en est ?
Aujourd’hui, il y a énormément de choses qui se font. Il y a un comité de suivi de la mise en œuvre du chronogramme de la transition, qui se réunit tous les mois avec des représentants de l’Union européenne, des représentants de la Cédéao, du G5, qui arrive à la conclusion que la transition est dans le rythme et que les délais peuvent être tenus, encore aujourd’hui. Il n’y a pas d’obstacles majeurs qui indiquent que les délais ne seront pas tenus.
D’ici la fin de la transition, le programme est très chargé, Monsieur le ministre : un recensement de la population, un nouveau fichier électoral, une nouvelle Constitution, un référendum. Est-ce que vous aurez le temps de faire tout cela en un an ?
Ça se fera parce que ça se fait parallèlement. D’abord, le recensement de la population permettra de générer un fichier électoral. Ensuite, c’est parallèlement à ces activités que la rédaction de la Constitution, qui est déjà à une phase très avancée, se fait et que d’autres dispositions, d’autres actions de préparation de ce processus, pourront se dérouler en parallèle. Je pense que nous sommes dans le rythme.
Et est-ce que le glissement du calendrier n’est pas inéluctable, comme au Mali voisin, par exemple ?
Il n’y a pas d’éléments aujourd’hui qui permettent de dire qu’il y aura un glissement.
Donc des élections à la fin de l’année prochaine ?
C’est ce qui est prévu et nous sommes dans le rythme de cette préparation.
Et si la présidentielle a lieu à la fin de l’année prochaine, est-ce que le Président actuel de la transition sera candidat ?
Il n’est pas prévu qu’un des membres de cette transition puisse être candidat.
Est-ce que c’est ferme et définitif ?
Cela a été dit et répété à plusieurs reprises.
Par le Président de la transition lui-même ?
Oui, par tous les acteurs de la transition, cela a été dit.
Le problème, c’est que, dans l’opposition et la société civile, beaucoup doutent que le colonel Doumbouya tiendra sa promesse. Pour convaincre de votre bonne foi pour la démocratie à venir, est-ce que vous n’auriez pas intérêt à faire traduire en justice tous les auteurs de tirs à balles réelles qui ont fait quelque 30 morts depuis deux ans ?
C’est ce qui se fait. Il y a déjà eu des cas d’arrestation, y compris parmi les membres des forces de défense et de sécurité.
Oui, mais ce que disent les défenseurs des droits de l’homme, c’est que, pour l’instant, aucun de ces auteurs de tirs à balles réelles n’a été jugé dans un procès.
C’est vrai. Les procédures sont en cours. Lorsque ce n’est pas un flagrant délit, les procédures d’enquête peuvent prendre le temps nécessaire, mais il faut noter que c’est un progrès important, l’arrestation des suspects.
Y aura-t-il procès ?
Absolument. Lorsque les éléments du droit seront réunis, un procès sera ouvert pour juger les accusés.
Et pour convaincre de votre bonne volonté démocratique, pourquoi ne pas accepter un dialogue avec l’opposition et la société civile en présence de la Cédéao, comme le demandent beaucoup de Guinéens ?
C’est ce qui a été fait, sauf qu’il y a un certain nombre de partis, trois partis politiques, qui conditionnent leur participation à l’abandon des poursuites concernant quelques-uns de leurs membres.
Est-ce que, pour le dialogue, il ne serait pas bon que l’opposant numéro un, Cellou Dalein Diallo, puisse rentrer d’exil et puisse parler avec vous, à Conakry ?
Il n’y a aucune interdiction à Cellou Dalein de venir dans le pays, au contraire.
À ceci près qu’il risque la prison s’il rentre.
S’il est coupable d’un fait, qu’il vienne répondre de cela. S’il estime qu’il n’est coupable de rien, il ne risque absolument rien dans le pays.
Pas d’abandon de poursuites judiciaires contre lui ?
Si le gouvernement devait dicter à la justice d’abandonner les poursuites, il n’y aurait pas de sens à juger quelques coupables que ce soient.
Êtes-vous brouillé avec la France, comme le sont le Mali, le Burkina Faso et le Niger ?
Non, pas du tout, on n’est ni anti-Français, ni anti-Américain, ni anti qui que ce soit. Nous travaillons avec tout le monde. Ce qui nous préoccupe, c’est d’accroitre les recettes que l’État guinéen pourrait tirer des rapports qu’on a avec tel ou tel pays.
Voulez-vous dire qu’il y a plus de pragmatisme à Conakry que dans d’autres capitales sahéliennes ?
Nous sommes obligés de tenir compte de cela, de ce que les interdépendances entre nations sont nécessaires. Nous n’allons pas perdre du temps à gérer des crises avec tel ou tel pays.
Pensez-vous, par exemple, que vos voisins du Mali perdent du temps avec ce type de polémiques ?
Les crises font toujours perdre du temps. Mieux vaut les dépasser rapidement pour se consacrer aux problèmes essentiels.