Les autorités comoriennes ne doivent pas s’opposer au recours en appel de quatre journalistes condamnés pour avoir rendu publiques des allégations d’agression sexuelle au sein de la chaîne publique nationale, l’Office de la radio et de la télévision des Comores (ORTC), a déclaré mercredi le Comité pour la protection des journalistes.
Le 31 août, quatre journalistes comoriens ont fait appel de leur condamnation du 24 août pour diffamation et insultes après avoir rendu publiques des allégations d’inconduite sexuelle à l’encontre de dirigeants anonymes de l’entreprise publique ORTC, selon les journalistes qui se sont entretenus avec le CPJ par téléphone, et un communiqué de soutien au recours en appel publié par le Syndicat national des journalistes aux Comores, une organisation syndicale locale.
Les accusations et les condamnations prononcées par le tribunal correctionnel de la capitale, Moroni, font suite à une plainte déposée par Hablani Assoumani, directeur des opérations de l’ORTC, pour des « allégations diffamatoires d’attouchements sexuels » dénoncées lors d’une rencontre organisée le 17 janvier entre le président comorien Azali Assoumani et les journalistes, et reprises ensuite dans les médias, selon ces sources et une copie de la citation à comparaître de l’un des journalistes que le CPJ a pu consulter.
Parmi les journalistes condamnés figurent Andjouza Abouheir, vice-président du syndicat des journalistes, et Toufé Maecha, ancien directeur de l’ORTC, qui ont tous deux fait des commentaires liés aux allégations lors de la rencontre du 17 janvier ; ainsi qu’Abdallah Mzembaba, correspondant de Radio France Internationale, et Oubeidillah Mchangama, reporter de la chaîne privée FCBK FM, qui ont tous deux publié des reportages sur ces allégations, ont déclaré les quatre journalistes au CPJ.
Une date d’audience pour le recours en appel des journalistes n’a pas encore été fixée, selon Saïd Mohamed Saïd Hassane, avocat de Mzembaba, qui s’est entretenu avec le CPJ via une application de messagerie.
« La condamnation de journalistes pour avoir posé des questions et rapporté des allégations d’agression sexuelle envoie un message glaçant qui encourage l’impunité pour de tels comportements abusifs. Les autorités ne doivent pas s’opposer au recours en appel des journalistes », a déclaré Angela Quintal, coordinatrice du programme Afrique du CPJ, à Durban, en Afrique du Sud. « Les journalistes jouent un rôle essentiel dans la dénonciation de l’inconduite sexuelle sur les lieux de travail dans le monde entier. Les autorités comoriennes doivent s’attacher à enquêter sur ces allégations, et ne pas chercher à dissuader les journalistes de demander des comptes aux personnes au pouvoir. »
Lors de la rencontre du 17 janvier, Abouheir a interrogé le président du pays sur des allégations d’attouchements sexuels « par au moins un homme, un supérieur, sur des jeunes femmes », en échange de promesses de « promotions », selon les médias.
Mzembaba a déclaré au CPJ qu’après la rencontre, il avait réalisé un reportage pour RFI sur les allégations et la réponse du président. Cet article suggère que la personne accusée est « un directeur d’un des départements de la télévision nationale ». Le 15 juin, le tribunal de Moroni a convoqué Mzembaba suite à ce reportage, selon la citation à comparaître examinée par le CPJ.
Mchangama a également déclaré au CPJ qu’il était poursuivi pour avoir rapporté les détails de la rencontre dans une émission en direct sur Facebook du 19 janvier.
Le 22 juin, le procureur a requis à l’encontre des prévenus une peine d’un an de prison, dont au moins trois mois fermes, et l’interdiction d’exercer leur profession pendant un an, affirmant dans l’acte d’accusation que le discours et la couverture médiatique de ces allégations avaient « terni » l’image du pays, selon plusieurs médias.
Le 24 août, le tribunal de Moroni a condamné les quatre journalistes à neuf mois de prison avec sursis et à une amende de 150 000 francs comoriens (325 dollars) chacun pour diffamation et insultes, selon les médias.
Le CPJ a contacté le secrétaire du directeur général de l’ORTC, Mohamed Abdou Mhadji, via une application de messagerie, mais celui-ci s’est refusé à tout commentaire. Les appels du CPJ au ministère de la Justice des Comores, via le numéro indiqué sur sa page Facebook, sont restés sans réponse.