Empêcher l’aide à Gaza peut constituer un crime selon la CPI

De violents combats au sol ont opposé dans la nuit de dimanche à lundi des combattants du Hamas aux forces israéliennes dans la bande de Gaza, toujours soumise à des bombardements intensifs par Israël, et à un siège qui selon la Cour pénale internationale peut constituer « un crime ».

Déclenchée par une attaque sanglante sans précédent du mouvement islamiste palestinien sur le sol israélien le 7 octobre, la guerre, entrée lundi dans son 24e jour, a fait des milliers de morts.

La bande de Gaza, bombardée sans répit par l’armée israélienne en représailles à cette attaque qui a vu aussi le Hamas prendre en otage plus de 230 personnes, est soumise depuis le 9 octobre à un « siège complet » qui prive sa population d’eau, de nourriture et d’électricité. Les appels se sont multipliés ces derniers jours pour laisser passer l’aide vers Gaza, déjà soumise à un blocus israélien depuis 2007 et l’arrivée au pouvoir du Hamas.

« Empêcher l’acheminement de l’aide peut constituer un crime », a déclaré dimanche le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) Karim Khan, après s’être rendu au poste-frontière de Rafah, séparant l’Egypte à Gaza et où s’entasse l’aide internationale à destination des civils palestiniens. « Israël doit s’assurer sans délai que les civils reçoivent de la nourriture, des médicaments », a ajouté M. Khan.

La Maison Blanche a fait état dimanche d’un appel du président Joe Biden au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu dans lequel il « a souligné la nécessité d’augmenter immédiatement et considérablement le flux d’aide humanitaire ».

33 camions d’aide

Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha), 33 camions d’aide sont entrés à Gaza dimanche, soit le convoi le plus important depuis les premiers camions le 21 octobre. Au total, 117 camions sont passés à Gaza depuis cette date, selon un rapport publié lundi. Une aide insuffisante, estime l’Ocha, qui craint « une nouvelle détérioration de la situation humanitaire (déjà) désastreuse » ainsi que des « troubles civils ».

L’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) avait mis en garde dimanche contre un écroulement de « l’ordre public » au lendemain du pillage d’entrepôts et de centres de distribution d’aide alimentaire. A Rafah (sud), Souleimane al-Houli déplore une longue queue devant sa boulangerie. « Je ne peux pas donner du pain à tout le monde. La boulangerie ne produit que 30 fournées par heure. »

Israël a annoncé dimanche augmenter le nombre de ses soldats et l’ampleur de ses opérations dans le territoire palestinien, après avoir sensiblement intensifié ses frappes depuis vendredi, dans l’objectif « d’anéantir » le Hamas, que l’Etat hébreu mais aussi les Etats-Unis et l’UE considèrent comme une organisation « terroriste ».

L’armée a indiqué lundi que ses troupes « avaient tué (dans la nuit dans la bande de Gaza) des dizaines de terroristes qui s’étaient barricadés dans des bâtiments et des tunnels et avaient tenté de les attaquer ». Un avion guidé par des soldats à terre a visé un bâtiment « avec plus de 20 terroristes du Hamas à l’intérieur », a-t-elle ajouté.

Elle a dit avoir frappé au cours des derniers jours « plus de 600 cibles terroristes ». Le Hamas a également fait état de « combats intenses » dans le nord de la bande de Gaza, où l’armée israélienne opère au sol depuis vendredi soir.

Des milliers de bâtiments ont été rasés dans ce territoire surpeuplé de 2,4 millions d’habitants, dont 1,4 million ont été contraints de se déplacer. Le Hamas affirme que plus de 8.000 personnes, majoritairement des civils, ont été tuées dans les bombardements israéliens depuis le début de la guerre. Plus de 1.400 personnes sont mortes, essentiellement des civils et dans leur grande majorité lors de l’attaque perpétrée par le mouvement islamiste palestinien en Israël.

Menaces contre les hôpitaux

Selon le Croissant-Rouge palestinien, les abords d’un de ses hôpitaux ont été bombardés à plusieurs reprises, mettant en péril les patients et les milliers de civils venus s’y réfugier. « Nous avons reçu des menaces » d’Israël pour « évacuer immédiatement l’hôpital al-Quds car il allait être bombardé », a déclaré à l’AFP le directeur de l’hôpital, Bachar Mourad.

« Nous réitérons qu’il est impossible d’évacuer des hôpitaux remplis de patients sans mettre leur vie en danger », a écrit le chef de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) Tedros Adhanom Ghebreyesus.

Israël accuse le Hamas de se servir des hôpitaux pour cacher des armes ou des combattants, ce que le Hamas dément. Samedi, Benjamin Netanyahu a annoncé le début d’une « deuxième étape de la guerre » visant à « détruire les capacités militaires et la direction du Hamas », et à récupérer les otages.

Le 7 octobre, en plein shabbat, le repos juif hebdomadaire, des centaines de combattants du Hamas se sont infiltrés depuis Gaza sur le sol israélien, où ils ont commis l’attaque la plus meurtrière depuis la création d’Israël en 1948. Ils ont enlevé 239 personnes dont « beaucoup de travailleurs étrangers », selon un nouveau chiffre fourni par Israël.

Frappes en Syrie

Alors que la communauté internationale redoute un embrasement régional, l’armée israélienne a annoncé lundi avoir frappé plusieurs cibles en Syrie en réponse à des tirs de roquette. Les tensions sont également fortes à la frontière israélo-libanaise, où les échanges de tirs sont quasi-quotidiens entre l’armée israélienne et des groupes armés pro-palestiniens, dont le Hezbollah libanais.

Le Hezbollah, allié du Hamas, a indiqué dimanche avoir abattu au-dessus du territoire israélien un drone israélien avec un missile sol-air et annoncé lundi la mort d’un autre de ses combattants, portant le total de ses militants tués depuis le début du conflit à 47. L’armée israélienne a rapporté pour sa part de nouveaux tirs en provenance du Liban vers le secteur de Har Dov et Kiryat Shmona et a dit avoir riposté.

La tension est aussi très vive en Cisjordanie occupée. Quatre Palestiniens ont été tués lundi à l’aube lors d’un raid de l’armée israélienne à Jénine (nord), d’après le ministère de la Santé de l’Autorité palestinienne. Depuis le 7 octobre, plus de 120 Palestiniens y ont été tués lors d’opérations de l’armée israélienne. Et près de 1.000 Palestiniens ont été forcés de quitter leur logement, selon l’ONU.

AFP