Alors que de plus en plus d’espèces sont menacées d’extinction du fait du braconnage et de la déforestation, les populations de primates ont considérablement chuté de plus 65 % en Afrique en l’espace de cinquante ans, selon l’UICN. Pour preuve, quarante primates coincés dans trois caisses, en provenance de la RDC, en partance pour la Thaïlande, ont atterri à l’aéroport de Lomé, le 2 décembre dernier.
La Cellule Aéroportuaire Anti-Trafics (CAAT) en collaboration avec EAGLE-Togo a expertisé la cargaison des primates. Conclusion : des irrégularités juridiques du permis CITES de la RDC et un vice de procédure ont été constatés. Aussi, le processus de l’identification des espèces contenues dans les caisses, s’est révélé non conforme à la déclaration sur le permis CITES de la RDC.
La CAAT a immédiatement saisi les primates fait appel à l’autorité de gestion CITES du Togo qui s’est mis d’accord afin de prendre des mesures idoines permettant le retour de ces espèces en RD Congo. On a dénombré malheureusement deux primates morts qui n’ont pas pu être identifiés. Sur les neuf espèces, toutes de l’annexe II, seulement deux sont listées sur le permis CITES présenté. Du coup, les sept autres espèces restantes ne sont pas déclarées.
Les primates en transit à l’aéroport de Lomé, devraient être pris en charge par un intermédiaire. Pendant qu’on attendait à l’aéroport de connaître la personne qui était chargée de recevoir cette cargaison via Lomé, on apprend que l’intéressé s’est lui-même transporté au MERF avec les documents de l’export faisant croire qu’il venait signaler l’irrégularité qu’il a constaté sur le permis CITES envoyé par son contact de la RDC, afin de demander la conduite à tenir dans ce cas de figure. Toutefois, une procédure de rapatriement des primates en RDC dans leur milieu naturelle a été faite.
Les primates sont à la fois des cibles et des victimes collatérales. Comme cibles, ils sont victimes de la chasse et des effets dévastateurs du commerce illégal d’animaux de compagnie. Comme victimes collatérales, ils pâtissent de la détérioration de leur habitat, leurs « parents » humains continuant d’abattre les arbres dans les forêts tropicales, de tracer des routes.
La chasse commerciale et la vente d’animaux sauvages pour la consommation constituent les principaux éléments du commerce de la viande de brousse. Cette pratique est très différente de la chasse de subsistance qui consiste à tuer des animaux pour nourrir une famille ou un village. Lorsque l’argent est en jeu, tout est permis. Les femelles sont même tuées avec leurs petits, ce qui revient à tuer la poule aux œufs d’or. Dans le bassin du Congo, en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest, il constitue l’une des menaces les plus graves pour les primates et d’autres animaux menacés d’extinction qui mettra en péril la vie de nombreuses autres espèces.
Le braconnage et le recul des forêts étaient jusqu’à présent les principales causes du déclin des grands singes, la fièvre hémorragique d’Ebola est devenue la plus importante menace. En effet, le virus d’Ebola, qui a provoqué plusieurs épidémies en Afrique Centrale, notamment en RDC et au Gabon, tuant des centaines de personnes, a également décimé les gorilles et les chimpanzés de certaines forêts de cette région.
Les primates sont donc victimes d’un trafic international pour deux raisons majeures : ils peuvent être vendus comme animaux de compagnie, ou servir à fabriquer des remèdes pour la pharmacopée traditionnelle. Souvent, les primates destinés aux particuliers amateurs d’animaux exotiques sont des jeunes issus du braconnage : alors que leur mère a été abattue pour sa viande, les petits ont été trouvés par les chasseurs puis vendus au marché noir.
Pourtant les primates jouent un rôle crucial sur la biodiversité locale. En se déplaçant à travers de larges territoires ils contribuent, par exemple, à disséminer les graines des fruits qu’ils consomment, et ainsi à la régénération des forêts.
Malgré les politiques de protection menées dans différents pays, force est de constater que, aujourd’hui, la situation est critique pour nos plus proches cousins au regard de l’évolution.
Une enquête récente sur 24 zones protégées de l’Afrique et de l’Asie du Sud-Est montre que les populations de ces animaux ont diminué dans 96 % d’entre elles. La Commission de la survie des espèces de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) estime que chacune de ces espèces est en danger de disparition « dans l’avenir immédiat, ou au mieux dans les cinquante ans qui viennent », principalement en raison des activités humaines : populations accrues empiétant sur leurs habitats, guerres civiles, braconnage pour la viande ou le commerce d’animaux vivants, maladies (fièvre d’Ebola) et, surtout, destruction des forêts.
D’autres servent d’animaux de compagnie, alimentent les zoos, les cirques ou les dresseurs spécialisés qui les utilisent sur les plateaux de télévision ou de cinéma. Dans un grand magasin de Séoul, en Corée du Sud, c’est un singe déguisé en Père Noël qui remettait des cadeaux aux enfants.
A de rares exceptions près, le « dressage » se déroule de manière violente. Le propriétaire de l’animal emploie la force et les coups pour se faire obéir des jeunes primates. Mais en vieillissant, ces derniers deviennent irascibles et donc dangereux. Ils sont alors « réorientés » professionnellement vers les laboratoires pharmaceutiques qui, dans le meilleur des cas, testent sur eux des vaccins. Ou alors ils finissent leur existence dans des animaleries ambulantes qui les exposent derrière les barreaux de cages sordides. Ceux que les associations de protection arrivent à récupérer, sont confiés à des orphelinats et à des centres de réintroduction, où des scientifiques et des bénévoles tentent de les réhabituer à la vie sauvage.
La ville de Pucket en Thaïlande, célèbre site balnéaire, a malgré elle acquit une notoriété dont elle se serait passée. Equipés de gants et de shorts en satin rouge, les malheureux singes étaient contraints de se battre. Les paris étaient bien évidemment à la hauteur de ces affligeants spectacles.
Aujourd’hui, pour arrêter le commerce de la viande de brousse, des programmes d’éducation et de conservation renforcent l’action des sanctuaires dans les pays de l’Afrique Centrale, en Afrique du Sud, en Tanzanie et en Angola.
Rappelons que les primates habitent les forêts et savanes d’Afrique tropicale, notamment au Gabon, en République démocratique du Congo et au Cameroun. Ils sont aussi présents, mais en moindre nombre et aussi plus menacés au Ghana, en Guinée-Bissau, au Nigeria, au Burundi et au Rwanda. Enfin, il en subsiste de rares groupes au Sénégal, au Mali, en Guinée équatoriale et au Soudan. Et Ils ont totalement disparus de la Gambie, du Burkina Faso, du Togo et du Bénin.
EAGLE-Togo/décembre/2023