A l’occasion du 53e anniversaire du triste évènement du 25 janvier 1971 marqué par une série de pendaisons de plusieurs guinéens parmi eux des illustres cadres du pays ayant contribué au Non historique du 28 septembre 1958, l’Association des Victimes du Camp Boiro (AVCB) a écrit une lettre ouverte au président de la Transition, Général Mamadi Doumbouya.
Lettre ouverte à Monsieur Mamadi Doumbouya Président du CNRD (Conseil National du Rassemblement pour le Développement), chef de l’État guinéen – AVCB
Monsieur le Président,
Ce 25 janvier il y a exactement 53 ans des dizaines de dignes filles et fils de la Guinée étaient assassinés par pendaisons publiques sur ordre du président Sékou Touré.
Nous profitons de cette occasion pour vous rappeler à travers cette lettre ouverte, les objectifs et revendications de l’AVCB. Ils ne vous sont pas étrangers puisque l’association vous a déjà adressé des courriers restés malheureusement sans réponse. Tout d’abord voici les principaux objectifs de l’AVCB:
1 – la recherche de la vérité sur les motifs, les causes des arrestations et des disparitions. de toutes les victimes de la répression politique de 1958 à 1984,
2 – l’obtention de la justice et de la réhabilitation pour ces victimes, et de la réparation pour leurs familles, la sanctuarisation et la sécurisation des charniers et autres lieux d’enfouissement, ainsi que l’identification des cadavres,
3 -l’entretien de la mémoire des personnes disparues, et l’engagement d’actions de prévention afin que les crimes commis au Camp Boiro et dans des lieux similaires ne se reproduisent plus en Guinée.
Pour atteindre ces objectifs, l’implication de l’état guinéen est indispensable et prioritaire. Or à ce jour les actions du CNRD ne permettent nullement la réalisation de ces objectifs.
A ce stade il faudrait apporter les précisons suivantes. Notre association: n’a jamais été dans l’idée de se dire que les victimes qu’elle défend sont plus représentatives que les autres victimes de la violence politique en Guinée, ne réclame pas la vengeance pour ses victimes refuse l’amalgame consistant à faire passer des bourreaux pour des victimes et vice- versa. Cette confusion étant faite pour semer le doute dans l’esprit de la population. Exige que justice soit rendue aux victimes, et qu’elles soient toutes réhabilitées après la recherche de la vérité reste inquiète de voir la dilution de la problématique des victimes de violences politiques dans un énorme chantier de refondation de l’État.
Elle dénonce vigoureusement la réhabilitation du dictateur qu’a été Sékou Touré, notamment par le fait de baptiser de son nom différents bâtiments ou lieux (présidence, aéroport international de Conakry, établissements divers,…) ou la réédition par l’état d’ouvrages falsificateurs de l’histoire de la Guinée que sont les « tomes » de Sékou Touré. Quant à nos revendications, elles sont simples et de bon sens. Ce sont celles portées par I’AVCB lors des Assises qui se sont déroulées en 2022. Elles reflètent trente-sept ans de lutte pour la réhabilitation des victimes, et les points de vue de centaines de milliers de guinéens consultés durant ces quarante dernières années. 1. Nous voulons la Vérité c’est pour cela que l’AVCB demande la déclassification des archives des camps de torture de la période 1958-1984, ainsi que celles d’après 1984. Une telle déclassification peut se faire au profit d’un comité scientifique consensuel, ayant accès à toutes les données et pouvant mettre en place un système de consultations publiques, garantissant l’intégrité desdites archives.
2. Nous voulons la Réhabilitation judiciaire des victimes, qui consiste à casser et annuler les jugements rendus contre les personnes condamnées par des instances extra-judiciaires en violation du code pénal de l’époque et des chartes et déclarations universelles portant sur les droits de l’homme signées par la Guinée. Excuses officielles présentées à toutes les familles des victimes par l’état guinéen. Délivrance de certificats de décès officiels indiquant la raison du décès à toutes les victimes Reconnaissance de la nation par l’érection de monuments et autres signes en hommage à ces victimes qui ont été pour l’essentiel la cheville ouvrière de l’indépendance de la Guinée.
3. Nous voulons la sécurisation des charniers / fosses communes
L’AVCB a réussi à cartographier à ce jour 14 charniers situés à Conakry (4), Dubréka (3), Kindia (4), Kankan (2) et Nzérékoré (1).
4. Nous voulons la restitution des biens spoliés aux ayants-droits des victimes.
5. Nous voulons la déclassification du Camp Boiro de Conakry afin que ce site soit entièrement dédié à l’histoire post-coloniale de la Guinée en particulier celle des violations des droits de l’homme.
6. Nous voulons que soit enseignée de la vraie histoire de la Guinée dans les programmes scolaires.
7. Nous dénonçons les opérations de réhabilitation de Sékou Touré entreprises depuis la prise du pouvoir par le CNRD.
Par ailleurs le processus de musellement des activités de l’AVCB en Guinée, mis en œuvre depuis cette période doit cesser.
Monsieur le Président, vous avez l’occasion de clarifier radicalement l’horizon. Il ne faut surtout pas tourner le dos à l’espoir démocratique, à l’esprit d’unité nationale. Nous sommes contre les réhabilitations de l’infamie, contre l’éloge des pires crimes que la Guinée a connu. Malgré les bons mots saupoudrés çà et là, le besoin de justice et de réparation ne cesse de croitre. Repensons ensemble le futur en mettant sur la table nos différentes propositions pour changer les perspectives. Nous attirons ici votre attention sur un enjeu juridique, politique, symbolique qui exprime la volonté de réaliser l’unité nationale sur un fondement solide. L’espoir est enraciné et entretenu naturellement dans la culture guinéenne et les manifestations des solidarités au quotidien en sont l’illustration.
Paix aux âmes des disparus du 25 janvier 1971.
Plus jamais ça !
AVCB-France