Cinquante-et-un prisonniers civils et militaires ont été graciés jeudi soir en Côte d’Ivoire par le président de la République, dont le général Brunot Dogbo Blé, condamné dans l’affaire des « disparus du Novotel », l’enlèvement et le meurtre en 2011 de quatre personnes, dont deux Français.
Alassane Ouattara a « informé le Conseil national de sécurité (CNS) de sa décision d’accorder la grâce présidentielle à des personnes civiles et militaires condamnées pour des infractions commises lors des crises post-électorales et pour atteinte à la sûreté de l’Etat », selon un communiqué du CNS qui précise que 51 personnes étaient concernées. Parmi elles, figure Brunot Dogbo Blé, condamné en avril 2017 à 18 ans de prison pour son implication dans l’affaire des « disparus du Novotel ».
Le 4 avril 2011, au plus fort de la crise post-électorale en Côte d’Ivoire, un commando venu de la présidence, alors aux mains des partisans de Laurent Gbagbo, avait fait irruption à l’hôtel Novotel d’Abidjan, capitale économique en proie aux combats, s’emparant de quatre personnes, dont deux Français. Ce commando avait emmené son directeur, le Français Stéphane Frantz Di Rippel, son compatriote Yves Lambelin, directeur général de Sifca, le plus grand groupe agro-industriel ivoirien, l’assistant béninois de celui-ci, Raoul Adeossi, et le Malaisien Chelliah Pandian, directeur général d’une filiale de Sifca.
Selon l’enquête, les quatre hommes ont été emmenés au palais présidentiel, torturés et tués. Leurs corps ont ensuite été jetés dans la lagune d’Abidjan. Celui d’Yves Lambelin est le seul à avoir été formellement identifié. La libération de M. Dogbo Blé était réclamée depuis plusieurs années par Laurent Gbagbo, lui-même gracié en août 2022, qui estime qu’il était un « prisonnier d’opinion ».
« Décrispation »
« C’est un acte qu’on ne peut que saluer. Ca ne peut que participer à une décrispation, à un retour d’un climat politique qui doit être normalisé. Mais il y a encore beaucoup à faire », a réagi auprès de l’AFP Me Habiba Touré, porte-parole du Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), la formation de M. Gbagbo.
Cette décision du président Ouattara intervient conformément à « son engagement d’oeuvrer résolument à la consolidation de la paix » en Côte d’Ivoire, précise le CNS, dans le communiqué. Un autre nom important figure parmi les listes des graciés: Souleymane Kamagaté, alias « Soul to Soul ». Cet ancien chef du protocole de l’ex-Premier ministre Guillaume Soro avait été condamné à 20 ans de prison, confirmés en appel il y a un an, pour « tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat ». Deux autres proches de M. Soro sont aussi concernés, l’ancienne ministre Affoussy Bamba et son ex-chef de la communication Moussa Touré.
Guillaume Soro, ancien allié du président ivoirien Alassane Ouattara, est accusé d’avoir fomenté avec ses partisans une « insurrection civile et militaire » lors de son retour avorté dans son pays en décembre 2019. Après un exil de quatre ans, il est depuis fin 2023 retourné en Afrique, et se trouve entre le Niger, le Burkina et le Mali.
Jeudi, le président ivoirien, a par ailleurs souhaité que soit érigé un « Mémorial en hommage aux victimes des graves crises » que le pays a connues ces dernières années. Outre la crise post-électorale de 2010-2011 qui avait fait plus de 3.000 morts, la Côte d’Ivoire a connu des troubles lors de la présidentielle de 2020 qui avait vu la réélection d’Alassane Ouattara pour un troisième mandat controversé.
Les violences avaient fait 85 morts et 500 blessés. Depuis, le pays connaît une période d’apaisement politique avec plusieurs élections tenues dans le calme. La prochaine présidentielle doit se tenir en octobre 2025.
AFP