La rhétorique malveillante des dirigeants français à l’égard de l’Afrique et les réponses africaines.

Depuis plusieurs décennies, les relations entre la France et l’Afrique sont marquées par des propositions et des attitudes qui ont souvent suscité l’indignation des responsables africains. Des déclarations teintées de paternalisme ou de mépris, attribuées à différents Présidents français, ont ravivé les tensions et nourri des réponses incisives des dirigeants du vieux continent.

 

▪︎. Nicolas Sarkozy et le discours de Dakar (2007) .

L’un des moments les plus controversés remonte au discours de Dakar, prononcé par Nicolas Sarkozy. Il affirmait que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire » . Cette phrase, perçue comme une négation de l’histoire riche et complexe de l’Afrique, a été largement évoquée. En réponse, des figures intellectuelles et politiques africaines, dont le Président Sénégalais de l’époque, Abdoulaye Wade, ont dénoncé une ignorance flagrante et un mépris envers le continent.

▪︎. François Hollande et le ton paternaliste.

Si François Hollande a évité des déclarations aussi frontales, son approche envers l’Afrique a été évoquée pour son paternalisme. Lors de visites en Afrique, il a souvent tenu des propositions jugées condescendantes, insistant sur le rôle de la France comme « allié indispensable » du développement africain. Plusieurs dirigeants africains, à l’instar du Rwandais Paul Kagame, ont rétorqué que l’Afrique n’avait pas besoin de tuteurs mais de partenaires égaux.

▪︎. Emmanuel Macron et les récentes polémiques.

Emmanuel Macron, dès le début de son mandat, s’est illustré par des propos ambiguës. Lors du G20 en 2017, il attribuait le retard économique de l’Afrique à des « problèmes civilisationnels » . Plus récemment, en 2024, en pleine crise diplomatique avec plusieurs pays francophones, Macron a affirmé que « l’Afrique doit cesser de blâmer la colonisation pour ses échecs » .Ces propositions ont entraîné un tollé général. Des dirigeants comme le Président malien, Assimi Goïta, ou encore le président burkinabè, Ibrahim Traoré, ont déclaré une attitude néocolonialiste. Ibrahim Traoré a notamment rappelé que *« l’Afrique est un continent riche en ressources et en potentiel humain, mais ses défis sont exacerbés par des ingérences extérieures et un passé colonial qui ne peut être nié ».

▪︎Répliques africaines : une affirmation de souveraineté.

Face à ces déclarations, l’Afrique a réagi avec fermeté. Les transitions militaires au Mali, en Guinée et au Burkina Faso, accompagnées d’un rejet croissant de la présence française, incarnent une volonté d’affirmer une souveraineté longtemps étouffée.

Des dirigeants comme Macky Sall, ancien président sénégalais, ou Moussa Faki Mahamat, Président de la Commission de l’Union africaine, ont souvent rappelé que l’Afrique exigeait désormais une relation fondée sur le respect mutuel et la coopération.

A l’occasion de la conférence des Ambassadeurs de France qui s’est ouverte le 6 janvier à Paris, sans nommer aucun pays africain, Macron a poursuivi son envolée lyrique en ajoutant : « Je le dis pour tous les gouvernements africains qui n’ont pas eu le courage vis-à-vis de leurs opinions pubceliques de le porter, aucun d’entre eux ne serait aujourd’hui avec un pays souverain si l’armée française ne s’était pas déployée dans cette région ».

La réplique du Premier ministre Sénégalais, Ousmane Sonko ne s’est pas fait attendre en ces termes 《 C’est le lieu de rappeler au Président Macron que si les soldats Africains, quelquefois mobilisés de force, maltraités et finalement trahis, ne s’étaient pas déployés lors la deuxième guerre mondiale pour défendre la France, celle-ci serait, peut être aujourd’hui encore, Allemande. 》

▪︎Vers une redéfinition des relations ?

Les tensions récentes traduisent un tournant. Les populations africaines, à travers des mouvements citoyens, appellent leurs dirigeants à se détourner des anciennes puissances coloniales au profit de partenariats diversifiés, notamment avec la Russie, la Chine ou la Turquie.

La rhétorique malveillante des dirigeants français semble accélérer cette rupture, marquant la fin d’une ère où Paris dictait les règles. L’Afrique, consciente de sa richesse et de son potentiel, entend désormais se faire entendre comme un acteur majeur sur la scène internationale.

 

Par Aboubacar SAKHO 

Juriste-journaliste