Elhadj Boubacar Biro Diallo, ancien président de l’Assemblée nationale de Guinée et figure emblématique de la vie politique du pays, s’est éteint le 8 février 2025 à Mamou, à l’âge de 103 ans. Il a été inhumé le lendemain dans « la ville carrefour », où il repose pour l’éternité au cimetière de Saabou. Homme de convictions, fervent défenseur de la démocratie et éducateur dans l’âme, il laisse derrière lui un héritage politique et social considérable.
Les racines d’un engagement précoce
Né en 1922 à Kourou Djalloyabhè, dans la préfecture de Mamou, Elhadj Boubacar Biro Diallo grandit dans une famille influente. Son père, Elhadj Mamadou Bhoye Diallo, était le chef du village de Kourou et père de 46 enfants. Boubacar Biro était le cinquième de cette fratrie.
Avant d’intégrer l’école des Blancs en 1932, il reçoit une solide formation coranique. Son parcours scolaire le mène ensuite à l’École primaire supérieure Camille-Guy de Conakry, où il côtoie de futurs cadres du pays, avant de poursuivre sa formation à l’École normale William-Ponty au Sénégal, un établissement réputé pour former l’élite africaine.
Diplômé en tant qu’instituteur, il débute sa carrière dans l’enseignement, un domaine qui reste au cœur de son engagement tout au long de sa vie. Il occupe plusieurs postes dans l’administration éducative avant de devenir gouverneur de la région administrative de Koundara sous la Première République.
Un acteur majeur de la vie politique guinéenne
Militant de la première heure pour l’indépendance de la Guinée, Elhadj Boubacar Biro Diallo s’investit très tôt dans la politique. Son ascension politique culmine en 1995 lorsqu’il est élu député et président de l’Assemblée nationale. À ce poste stratégique, il incarne un contre-pouvoir face à l’exécutif et s’impose par son franc-parler et son intégrité. Il n’hésite pas à affirmer haut et fort ses convictions, même lorsque celles-ci le placent en opposition avec le régime en place. Son refus de la complaisance et sa défense des principes démocratiques lui valent autant d’admiration que d’hostilité au sein du régime de Lansana Conté. À une époque où le pouvoir exécutif domine sans partage, il se démarque par son indépendance et son franc-parler, n’hésitant pas à critiquer les dérives autoritaires et à rappeler l’importance de l’État de droit. Cette posture courageuse lui confère une stature d’homme d’État respecté, mais lui vaut aussi de nombreuses inimitiés parmi les fidèles du régime, qui voient en lui une menace pour la stabilité du pouvoir en place.
Malgré ces pressions, Elhadj Boubacar Biro Diallo reste fidèle à ses principes. Il continue de plaider pour une démocratie plus juste et une gouvernance transparente, refusant tout compromis qui irait à l’encontre de ses convictions. Son engagement lui vaut le respect de nombreux citoyens et de l’opposition politique, qui voient en lui un modèle de courage et d’intégrité. Son nom devient ainsi synonyme de résistance face aux abus du pouvoir, et son héritage inspire encore aujourd’hui ceux qui luttent pour une Guinée démocratique et équitable.
Son mandat est marqué par des prises de position audacieuses. Lorsqu’il déclare publiquement : « En cas de vacance de pouvoir, j’assumerai pleinement mes responsabilités », il provoque un séisme politique en Guinée. Par ces mots, il rappelle que l’Assemblée nationale, en tant qu’institution souveraine, a un rôle à jouer dans la continuité de l’État, et que la présidence ne saurait être un pouvoir absolu ou éternel.
Cette déclaration, perçue comme un défi direct au régime du général Lansana Conté, suscite des réactions virulentes au sein du pouvoir. Ses adversaires politiques l’accusent de chercher à affaiblir l’exécutif, tandis que ses partisans saluent son courage et son engagement en faveur des principes démocratiques. Face aux critiques et aux pressions, il ne revient pas sur ses propos et refuse de présenter des excuses, affirmant avec fermeté que nul n’est au-dessus des lois ni immortel au pouvoir.
Cette prise de position lui vaut une mise à l’écart progressive. Le régime en place décide de le priver de sa garde rapprochée, limitant son influence et l’exposant davantage aux intimidations. Pourtant, Elhadj Boubacar Biro Diallo ne fléchit pas. Fidèle à ses principes, il continue de défendre avec force l’indépendance de l’Assemblée nationale et les valeurs démocratiques. Malgré l’isolement politique auquel il est progressivement soumis, il refuse de céder aux intimidations et persiste dans son engagement pour une Guinée plus juste et plus transparente.
Ses prises de position tranchées et son refus de toute complaisance lui valent autant de respect que d’animosité. Pour beaucoup de Guinéens, il incarne une voix dissidente au sein d’un régime marqué par la personnalisation du pouvoir. Son courage et son intégrité font de lui une référence pour les défenseurs de la démocratie.
En 2002, à la fin de son mandat, il quitte la présidence de l’Assemblée nationale, remplacé par Aboubacar Somparé. Bien que marginalisé sur la scène politique, son héritage demeure vivant : celui d’un homme d’État qui n’a jamais renié ses convictions, même face aux pressions du pouvoir. Jusqu’à la fin de sa vie, il reste une figure emblématique de la lutte pour la démocratie.
Un homme de principes et de combats
Au-delà de la politique, Elhadj Boubacar Biro Diallo était un homme profondément attaché aux valeurs de justice et de solidarité. Il a toujours été du côté des opprimés, des laissés-pour-compte et des oubliés de la société. Sa générosité et son engagement social ont marqué des générations de Guinéens.
Éducateur dans l’âme, il a formé de nombreux cadres du pays et inspiré des générations entières. Son influence ne se limitait pas aux institutions politiques : il œuvrait sans relâche pour transmettre des valeurs d’intégrité, de responsabilité et de service à la nation.
Un héritage politique et moral indélébile
Elhadj Boubacar Biro Diallo s’est éteint le 8 février 2025 à Mamou. Il a été inhumé le lendemain dans sa ville natale, entouré de ses proches et d’une nation reconnaissante. Son parcours exemplaire, marqué par une fidélité indéfectible à ses valeurs, fait de lui une figure incontournable de l’histoire politique guinéenne.
Son héritage demeure vivant dans les esprits et dans les institutions qu’il a contribué à bâtir. Homme de principes, il restera dans la mémoire collective comme un modèle de courage, de rigueur et de dévouement à la cause publique.
Oumar Kateb Yacine
Analyste-Consultant Géopolitique
Contact: bahoumaryacine777@gmail.com