Le 10 avril 2025, le Sénégal a perdu l’une de ses plus grandes figures judiciaires : Mamadou Badio Camara, président du Conseil constitutionnel, s’est éteint à Dakar à l’âge de 73 ans. Magistrat d’exception, il a marqué l’histoire récente du pays par son intégrité, son courage et son attachement indéfectible aux principes de l’État de droit. Son dernier acte, celui d’avoir sauvé la présidentielle de 2024 d’un report inconstitutionnel, restera à jamais inscrit dans la mémoire collective des Sénégalais.
Un parcours scolaire et universitaire exemplaire
Né en 1952 à Dakar, Mamadou Badio Camara a suivi un parcours académique brillant, révélateur de sa rigueur intellectuelle et de sa passion pour le droit. Il effectue ses études secondaires au prestigieux lycée Van Vollenhoven (aujourd’hui Lamine Guèye) de Dakar, avant de rejoindre l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD), où il décroche une maîtrise en droit privé. Très vite repéré pour ses capacités d’analyse et son sens aigu de la justice, il poursuit sa formation à l’École nationale d’administration et de magistrature (ENAM), dont il sort parmi les meilleurs de sa promotion.
Une carrière au service de la justice
Sa carrière débute dans les années 1980 au sein de la magistrature sénégalaise. Il gravit rapidement les échelons grâce à son professionnalisme, son éthique et sa discrétion. Il occupe successivement les fonctions de juge d’instruction, de président de tribunal, puis de conseiller à la Cour d’appel de Dakar.
Nommé à la Cour suprême, il y exerce des fonctions de juge pendant de nombreuses années, avant d’en devenir le premier président. Cette position lui permet d’imprimer sa marque : un style sobre, une exigence rigoureuse du droit, et un profond respect pour la Constitution.
En 2022, il est nommé président du Conseil constitutionnel, l’organe chargé de veiller à la régularité des élections et au respect des dispositions fondamentales de la République.
L’homme qui a sauvé la présidentielle de 2024
C’est dans ce rôle crucial qu’il se distingue de manière historique en 2024. Alors que l’ancien président Macky Sall annonce le report de l’élection présidentielle, dans un climat de tension et de crispation politique, Mamadou Badio Camara se dresse en rempart républicain. Contre toutes les pressions, y compris au sommet de l’État, le Conseil constitutionnel qu’il dirige rejette la loi de report et ordonne l’organisation du scrutin dans les délais les plus brefs.
Ce geste, salué à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, a permis de restaurer la confiance dans les institutions et de préserver la démocratie sénégalaise. Dans une Afrique parfois marquée par l’instrumentalisation de la justice, cet acte courageux rappelle la place centrale que doivent occuper les magistrats dans la défense de l’ordre constitutionnel.
Une leçon pour l’Afrique
Le parcours de Mamadou Badio Camara force le respect. Il symbolise ce que devrait être un magistrat en Afrique : un homme d’indépendance, d’intégrité et de dévouement au droit. Sa vie professionnelle prouve que la justice n’est pas une simple composante de l’appareil d’État, mais bien une sentinelle de la démocratie.
Son exemple doit inspirer les jeunes juristes et magistrats du continent. Dans un contexte où la stabilité politique dépend de plus en plus de la solidité des institutions judiciaires, l’Afrique a besoin de magistrats qui, à l’image de Mamadou Badio Camara, ont le courage de dire le droit, même quand cela dérange le pouvoir.
Aujourd’hui, le Sénégal perd un homme de loi, mais l’Afrique gagne un modèle.
Reposez en paix, Président Mamadou Badio Camara. Votre nom est désormais gravé dans le marbre de la justice et de la démocratie.
Oumar Kateb Yacine Analyste-Consultant Géopolitique
Contact: bahoumaryacine777@gmail.com